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Le masque des clairvoyants : KOMA

Son visage au relief très accusé est enduit de pâte de kola et de sang d'origine humaine (celui des sorciers vaincus au cours de luttes diurnes ou nocturnes) ou animale.
La forme de son front, en excroissance surplombant la face, signifie que le masque " se penche sur la jalousie des hommes et des autres masques moins puissants ".
Des cylindres pouvant atteindre dix à vingt centimètres de longueur dissimulent le regard de Koma à la vue du public.
Tous les masques possédant la caractéristique de cacher les yeux sont dangereux et ne peuvent, de ce fait, être vus ni par les femmes, ni par les gbono.
Mais Koma constitue un tel péril que sa vue n'est autorisée qu'à un très petit nombre d'hommes.

Le masque Koma
Koma DYNAMIQUE DE LA SOCIETE OUOBE. LOI DES MASQUES ET COUTUME GIRARD J 1967)

 

Le nez est difforme par la proportion exagérée des narines énormes recouvrant entièrement l'emplacement des pommettes. Les lèvres proéminentes (notamment l'inférieure) sont remarquables par la large surface qu'elles occupent. Rejoignant les oreilles, elles débordent sur le menton qui disparaît ainsi presque complètement. Cependant, la bouche reste fermée, car les paroles s'échappant des lèvres de Koma sont d'une extrême gravité. Il ne parle que « pour condamner à mort ».

Le masque Koma

"L'homme qui est trop malveillant" Sculté par le guerrisseur Dyeponyo.
Village de Tyan. Ouobé sous-tribu Zanya. Masque -Danseur. VANDENHOUTTE P. J. L. (1948)

Selon l'expression d'un autochtone, ce masque « est le plus dangereux de tous les masques de l'Afrique ». Dirigeant et organisant la lutte contre les sorciers « ennemis du peuple ouobé », il est de par ses hautes fonctions, le chef indiscuté de la Société des Grands Masques. Seul le patriarche du village a le droit de lui parler et les doyens d'âge, celui de le voir, l'ancienneté conférant aux vieillards une sagesse et une puissance suffisantes les préservant de tout risque. On peut supposer qu'il existe un masque Koma dans chaque village, mais un seul porteur commun au lignage ou à l'ethnie.
La hiérarchie des masques coiffée par Koma déborde donc le simple cadre villageois, pour l'ethnie. recouvrir soit le gbàdyuenyo, soit la totalité de Koma « sort » dans trois cas:


- soit à la demande d'un chef de village qui estime devoir protéger sa communauté contre les agissements d'un sorcier,
- soit à la requête de particuliers,
- soit de sa propre initiative pour édicter des principes de droit ou des règles de portée générale.


C'est ainsi qu'en sa qualité de chef suprême des masques, il a pu prendre en 1959, la décision d'interdire sur tout le territoire ouobé, la célébration de la fête du riz, cérémonie traditionnelle clôturant l'année agraire. Nous n'avons pu déterminer la raison de cette mesure.
Il intervient de même pour mettre en garde les individus contre certaines pratiques immorales, telle la mise en gage d'un individu par son chef de lignage. Koma s'appuie pour ce faire, sur le mythe suivant: « Au temps jadis, un sorcier rendit visite à l'un de ses pareils et lui proposa un marché:
- « Donne-moi ton petit frère pour que je le tue, Quand le mien sera grand je te le remettrai en paiement de ma dette. » Afin d'éviter ce marchandage, Koma prévient les habitants par un chant:

« Wapôssibô
Wadimiinpossi, mappôssilô Ah mo,
Wadiminpossi
Wapossibo N' bô Wadiminposso »


Signifiant:


« Vous qui m'écoutez, Ne donnez jamais vos frères en garantie.
Au temps jadis, j'avais gagé ma dette sur la vie de mon père,
Et peu de temps après, mes créanciers sont venus le chercher.
J'ai dû donner mon père qu'ils ont emmené et tué.
Ne gagez donc jamais vos dettes sur la vie de vos. frères. »


Dans tous les cas, les services de Koma ne sont utilisés qu'un seul jour, car ils sont extrêmement onéreux, salaires et sacrifices très élevés (argent, bijoux, bœufs) en constituant la rémunération habituelle.
Lorsqu'il a accompli sa mission, il regagne la srigbu. Son chant final exprime soit les souhaits de bonheur qu'il forme pour les villageois:

                         « Nada Kagô, onssé qu'en Kde,
                           Zran yé guanto ka in. »

                        « Vivez longuement,
                           Recevez le bonheur terrestre.
                           Que Dieu soit avec vous. »

soit des menaces destinées aux sorciers:
                        « Je vais dans mon village
                          Le plus grand sorcier qui me défiera, mourra demain. »
Lorsqu'un vol a été commis, et que l'on fait appel aux services de Koma, le porteur du masque, - toujours un vieillard - se dépouille entièrement de ses vêtements et c'est dans une nudité totale qu'il explore le village pour retrouver l'objet dérobé. Les garçons sont autorisés à le regarder dans l'exercice de ses fonctions, mais non les femmes quel que soit leur âge.

Tenant toujours parole, il est craint et respecté par toute la population. Nous avons pu localiser deux masques Koma, l'un à Douagbé, dans le canton de Tao, l'autre à Tiébly dans le canton Sémien. Une particularité du masque Koma, qui appartient pourtant à la Sriklahi, est de pouvoir pénétrer dans le village Koui de Kiriao. Il doit toutefois crier son nom avant d'entrer. Aucun autre Sri n'a le droit de l'accompagner.


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