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Dans l’Ouest, les forces Licorne brouillent les pistes

Fraternité Matin - 10/03/2003 8:55:24 PM - Après plusieurs mois de silence face à la lente dégradation de la situation militaire et humanitaire dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, envahi depuis au moins le mois de décembre par les mercenaires libériens et sierra-léonais proches de Charles Taylor – et qui constituent l’essentiel des hommes du MPIGO et du MJP –, les troupes de l’Opération Licorne ont décidé d’agir. Et de donner l’impression de mettre un terme à la récréation. Ce week-end, l’armée française – relayée par une presse étrangement aux ordres – a donc monté une astucieuse opération de communication pour donner l’illusion du mouvement. L’équation de base était simple: trouver le moyen de condamner les massacres dans l’Ouest (dont l’ampleur est devenue tellement grande qu’elle était en passe d’entraîner, comme au Rwanda, un discrédit de l’interposition française) sans pour autant accabler les tueurs du MPIGO et du MJP, alliés objectifs de la patrie des droits de l’homme dans l’opération “déshabiller Gbagbo”. Une trop grande et trop précise publicité (avec force témoignages sur les viols, les amputations et les tueries) aurait obligé l’armée française à mettre les rebelles hors d’état de nuire. Ce qui, objectivement, aurait fait baisser la pression sur le président ivoirien, l’homme à abattre. La milicianisation progressive d’une région plongée dans le chaos depuis l’ouverture du front ouest par les rebelles du MPCI – manœuvre qui avait alors laissé l’armée française indifférente – a fourni l’occasion aux officiers de l’Opération Licorne de donner de la voix. En effet, face aux tueries massives et impunies des mouvements rebelles coalisés, à l’impossibilité pour les FANCI d’assurer la sécurité de leurs compatriotes massacrés par centaines, et à la criminelle indifférence des forces d’interposition, les populations du grand Ouest livrées à elles-mêmes ont renforcé leurs comités d’autodéfense. Certains de leurs cadres ont cru bon de leur apporter une aide logistique, tandis que quelques Libériens ayant des affinités ethniques avec eux – et eux aussi menacés par les menées meurtrières des rebelles assassinant indifféremment Guérés et Kranhs – ont choisi de les aider à “libérer” leur région. C’est dans ce contexte que la bataille de Bangolo est arrivée. Face à la détermination de leurs adversaires, les rebelles du MPIGO et du MJP ont subi d’importants revers et perdu pied. Les Français sont enfin intervenus. D’une part, ils ont enfin franchi le “ rideau de fer ” derrière Duékoué – ce qu’ils n’ont jamais fait durant les mois de massacre massif. Confirmant les allégations des rebelles, qui ont fait état de 200 civils tués (sans qu’on sache, comme d’habitude, si un seul de leurs hommes a succombé), les forces Licorne “ont découvert des corps et des preuves de violences à l’encontre de civils”. Radio France Internationale a déjà vendu la mèche : ces civils tués, nous raconte-t-elle, sont des “Dioula musulmans”. Par ailleurs, l’armée française, qui depuis le 19 septembre semble considérer normale la présence de combattants étrangers sur les fronts de guerre, a mis la main sur des Libériens, “appartenant aux Forces Lima”, qu’elle considère comme des supplétifs des FANCI. Les deux événements créent un amalgame au sein de l’opinion “lointaine” : les Libériens qui sèment la mort dans l’Ouest depuis plusieurs mois apparaissent comme proches des autorités ivoiriennes. Tout du moins, les responsabilités sont diluées. “Tout le monde a joué avec le feu”, commente Philippe Perret, porte-parole de l’opération Licorne. Dans ce flou artistique (et en l’absence des témoignages des victimes qui savent, elles, qui tue), Roger Banchi, porte-parole du MPIGO, peut présenter son système de défense. “A l’Ouest, nous ne comprenons pas tout ce qui s’y passe. Puisque ce n’est pas de notre fait. Il y a plusieurs gens en armes qui se battent à l’Ouest. Cela va de civils qui règlent des comptes politiques, ethniques, à des combattants qui prétendent lutter contre des mercenaires, etc. C’est confus. Mais l’on peut résoudre cette situation entre Ivoiriens”. La ligne tracée, on peut s’attendre à voir la presse française sortir de son mutisme sur les atrocités de l’Ouest pour adopter cette grille de lecture qui sent l’imposture et le cynisme. Une grosse erreur s’est pourtant glissée dans la communication des forces Licorne, trahissant de manière éloquente leur partialité. Habitué à manipuler les droits de l’homme pour discréditer les Fanci et à fermer les yeux sur les offensives belliqueuses des rebelles, le porte-parole de l’armée française a nié, dans une déclaration à l’AFP, l’attaque du commissariat de Duékoué, dénoncée par Jules Yao Yao. “Il ne s’est rien passé dimanche matin”, a-t-il juré, plus royaliste que le roi. Car le chef rebelle Ousmane Coulibaly a lui-même avoué aux journalistes de Reuters la violation du cessez-le-feu. “Mes forces voulaient prendre leur revanche (contre l’armée ivoirienne) mais l’armée française s’est interposée”. Le porte-parole de l’armée française a donc réussi à ne pas être au courant de combats auxquels ont participé ses hommes. De manière générale, l’activisme français dans l’Ouest répond à une préoccupation plus régionale : il faut sauver le président libérien Charles Taylor, dont les opposants armés gagnent tous les jours du terrain, aidés en cela par des défections progressives parmi des officiers supérieurs retournés, semble-t-il, par les Américains. Une présence trop forte de combattants politiquement proches de son opposition dans la “zone grise” de l’Ouest pourrait venir en appoint aux rebelles libériens, pense l’armée française. L’arrestation de miliciens libériens vers Duékoué vise également à lancer un message subliminal : si l’armée régulière de Charles Taylor combat aux côtés du MPIGO et du MJP, c’est bien la faute de Laurent Gbagbo, qui “provoque” le président libérien. C’est dans de telles situations qu’on se rend compte des alliances indéfectibles. Entre Charles Taylor et Laurent Gbagbo, Paris a choisi.


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